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L'assassinat, en juin 2023, d'un militant sikh en Colombie-Britannique a déclenché une querelle politique entre Ottawa et New Delhi qui ne semble pas près de se résoudre. En effet, en octobre 2024, le Canada et l'Inde se sont engagés dans une série d'expulsions de personnel diplomatique, aggravant la crise et menaçant désormais les relations commerciales bilatérales. Les analystes craignent que cette escalade ne perturbe gravement les échanges commerciaux entre les deux pays.
Comment en est-on arrivé à un point où des relations autrefois productives et cordiales sont désormais ternies par des accusations, des désaccords et de la méfiance ? Découvrez les causes de cette escalade des tensions entre l'Inde et le Canada.
Le 18 juin 2023, Hardeep Singh Nijjar a été abattu sur le parking d'un temple sikh à Surrey, en Colombie-Britannique.
Nijjar, un militant sikh basé au Canada, a été assassiné par deux hommes masqués à l'extérieur du Guru Nanak Gurdwara. Sa mort a suscité de nombreuses protestations au sein de la communauté sikhe de Colombie-Britannique, notamment de la part de ceux affiliés au mouvement du Khalistan, qui réclame la création d'un État-nation sikh indépendant au Pendjab, en Inde.
Nijjar, citoyen canadien, avait dirigé la campagne pour le référendum de 2020 sur le Khalistan. Alors que ses partisans insistent sur le fait qu'il préconisait des moyens pacifiques pour créer cet État-nation, le gouvernement indien l'accusait d'être un criminel et un terroriste lié au groupe militant Khalistan Tiger Force, et avait demandé son arrestation.
Des milliers de personnes ont assisté à l'Antim Darshan de Hardeep Singh Nijjar, des obsèques organisées dans le temple de Surrey, où il avait été assassiné.
Ils ont pleuré la disparition du dirigeant de la communauté sikhe et président du temple. Les funérailles ont été suivies d'une réunion privée de la famille au Valley View Funeral Home, également à Surrey.
De nombreux participants à la cérémonie brandissaient des drapeaux jaunes du Khalistan, tandis que des proches et associés de Nijjar évoquaient les aspirations de son mouvement, que l'Inde a qualifié d'extrémiste. Ils ont également exprimé leur conviction que sa mort était le résultat d'une ingérence étrangère venue d'Inde.
Dans les semaines qui ont suivi, des rassemblements anti-Inde et pro-Khalistan ont eu lieu à Toronto. New Delhi a exprimé son désaccord à Ottawa et continuait de le faire lorsque, le 9 septembre 2023, le Premier ministre indien Narendra Modi a rencontré son homologue canadien Justin Trudeau avant le sommet des chefs d'État et de gouvernement du G20 à New Delhi.
Le lendemain, les deux hommes se sont retrouvés pour se recueillir au mémorial du Mahatma Gandhi à Raj Ghat, en marge du sommet du G20.
Peu après, le bureau du Premier ministre indien a publié une déclaration indiquant : "Il [Modi] a exprimé nos vives inquiétudes concernant les activités anti-indiennes persistantes d'éléments extrémistes au Canada. Ils prônent le sécessionnisme, incitent à la violence contre les diplomates indiens, endommagent les locaux diplomatiques et menacent la communauté indienne au Canada et ses lieux de culte."
Lors d'une conférence de presse, M. Trudeau a répondu que le Canada défendrait toujours la liberté de protestation, d'expression et de conscience pacifiques, tout en s'efforçant de prévenir la violence et de lutter contre la haine.
Le 19 septembre, des fonctionnaires canadiens ont directement accusé le gouvernement indien d'avoir assassiné Hardeep Singh Nijjar. M. Trudeau a ensuite déclaré, lors d'un discours à la Chambre des communes, que les services de sécurité nationale canadiens avaient des raisons de croire que des "agents du gouvernement indien" avaient perpétré l'assassinat du citoyen canadien.
Ces accusations ont incité les militants de l'organisation sikhe Dal Khalsa, un groupe pro-Khalistan, à organiser une manifestation après des prières à l'Akal Takht Sahib, dans le Temple d'or d'Amritsar, pour demander justice pour Hardeep Singh Nijjar.
Simultanément, le ministère indien des affaires extérieures a publié une déclaration rejetant les allégations de M. Trudeau, les qualifiant d'"absurdes".
Deux jours seulement après les premières accusations de M. Trudeau concernant un lien avec le gouvernement indien, un gangster indien en fuite, Sukhdool Singh Gill, a été tué dans une maison de Winnipeg par une rafale de coups de feu. Selon la BBC, M. Gill était recherché en Inde pour meurtre, mais il était aussi accusé par New Delhi d'être lié au mouvement séparatiste du Khalistan.
Début octobre, l'Inde a demandé au Canada de retirer 41 de ses 62 diplomates du pays et a menacé de révoquer l'immunité diplomatique de ceux qui resteraient après une certaine date. Ottawa a réagi en annonçant la fermeture temporaire de trois consulats en Inde et a mis en garde contre des retards dans le traitement des visas.
Les relations bilatérales entre les deux pays se sont considérablement refroidies, cette rupture menaçant les importants liens commerciaux et migratoires entre les deux pays.
Ces relations houleuses ont duré environ 11 mois. Le 1er septembre 2024, la police de l'île de Vancouver a été appelée au domicile d'AP Dhillon, un chanteur célèbre né au Pendjab mais ayant grandi au Canada, dont la musique contiendrait des messages pro-Khalistan. Sa propriété a été la cible de tirs d'armes à feu, mais Dhillon n'a pas été blessé. L'attaque contre le chanteur, ainsi que celle contre Sukhdool Singh Gill, ont été revendiquées par un gang notoire dirigé par le criminel indien le plus redouté, Lawrence Bishnoi.
Suite à cette nouvelle fusillade, la police canadienne a déclaré que le gouvernement de Narendra Modi avait fait appel à des figures du crime organisé, tels que le gang Bishnoi, dans sa stratégie de poursuite des opposants et rivaux. Delhi a rejeté ces allégations, les qualifiant de "grotesques".
La situation a atteint son paroxysme le 14 octobre 2024, lorsque le Canada a expulsé six diplomates indiens de haut rang, dont l'ambassadeur du pays. Tous ont été qualifiés de "personnes d'intérêt" à la suite du meurtre de Hardeep Singh Nijjar. La ministre canadienne des affaires étrangères, Mélanie Joly, a déclaré que le Canada avait recueilli "des preuves nombreuses, claires et concrètes" identifiant six personnes comme "personnes d'intérêt" dans l'affaire Nijjar.
L'Inde a réagi en expulsant le haut-commissaire intérimaire du Canada ainsi que cinq autres diplomates. Sur la photo, le ministre des Affaires extérieures, Subrahmanyam Jaishankar.
Ces expulsions ne sont que le dernier épisode en date de cette longue querelle diplomatique, qui avait connu un bref apaisement au premier semestre 2024. Mais si les désaccords passés ont tendu les relations, aucun n'avait encore atteint ce niveau de confrontation ouverte.
L'une de ces occurences remonte à 1974, lorsque l'Inde a choqué le monde en faisant exploser un engin nucléaire. Le Canada a été particulièrement indigné, car l'Inde aurait extrait du plutonium d'un réacteur canadien, un cadeau destiné uniquement à un usage pacifique.
Le Canada compte 770 000 sikhs, selon les données du recensement de 2021. Le pays abrite en fait la plus grande diaspora sikhe en dehors de l'État indien du Pendjab, et le sikhisme est la quatrième religion du pays.
Le Canada lui-même compte près de 1,7 million de personnes d'origine indienne, selon Statista.
En 2023, le commerce bilatéral entre l'Inde et le Canada était évalué à 9,36 milliards de dollars (8,82 milliards d'euros), les exportations indiennes vers le Canada s'élevant à 5,56 milliards de dollars (5,24 milliards d'euros) et les exportations canadiennes vers l'Inde à 3,80 milliards de dollars (3,58 milliards d'euros).
Les principales exportations indiennes en 2023 comprenaient des produits pharmaceutiques, des téléphones, des pièces automobiles, des fruits de mer, des composants électriques et des bijoux, tandis que les principales exportations canadiennes incluaient des briquettes de charbon, de la pâte de bois, du minerai de fer, des légumineuses et du papier. Ces données ont été publiées par l'Observatoire de la complexité économique (OCE).
Jusqu'à présent, aucun des deux pays n'a imposé de droits de douane ou d'autres formes de représailles économiques, mais avec des relations bilatérales au plus bas, les analystes commerciaux et les économistes craignent qu'une nouvelle confrontation n'entrave la croissance économique des deux parties.
En mai 2024, la police canadienne a inculpé trois membres d'une équipe de tueurs à gages présumés de meurtre au premier degré et de complot en vue de commettre un meurtre pour leur rôle dans l'assassinat de Hardeep Singh Nijjar.
Entre-temps, les partisans du Khalistan continuent de se rassembler à Toronto pour manifester contre l'administration Modi.
Sources : (BBC) (ABC News) (CBC) (India Today) (The Washington Post) (Statista) (OEC) (The Hindu) (Associated Press)
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Pourquoi y a-t-il une escalade des tensions entre l'Inde et le Canada ?
Pourquoi Narendra Modi et Justin Trudeau ne s'entendent-ils pas ?
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