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Le Royaume-Uni vient d'annoncer la restitution de l'archipel des Chagos à l'île Maurice, mettant ainsi un terme à des décennies de négociations souvent tendues entre les deux pays. Cette décision ravive également l'un des chapitres les plus sombres de l'histoire géopolitique récente : la déportation forcée de près de 2 000 Chagossiens pour permettre la construction d'une base militaire conjointe entre les États-Unis et le Royaume-Uni. En cédant ces îles, le Royaume-Uni tourne la page sur l’un de ses derniers vestiges impérialistes. Toutefois, aux côtés des États-Unis, il conserve la gestion d'une des bases militaires les plus secrètes et controversées au monde.
Alors, où se trouvent exactement les îles Chagos, et pourquoi le Royaume-Uni a-t-il décidé de les rendre ? Parcourez cette galerie pour découvrir l’histoire derrière cette décision majeure.
L'archipel des Chagos est un ensemble de sept atolls regroupant plus de 60 îles situées dans l'océan Indien, à environ 500 kilomètres au sud de l'archipel des Maldives.
Parmi ce groupe d'îles isolées se trouve l'atoll tropical de Diego Garcia, la seule île habitée de l'archipel. Elle est utilisée par le gouvernement américain comme base militaire pour ses navires de la marine et ses avions bombardiers à long rayon d'action.
Anciennement désigné comme Territoire britannique de l'océan Indien, l'archipel des Chagos va bientôt être restitué par le Royaume-Uni, dans un geste qui s'inscrit dans la continuité du mouvement de décolonisation. Cet accord prévoit le transfert de cet archipel de l'océan Indien à la république de Maurice.
Au début du 16e siècle, en 1512 plus précisément, l'explorateur portugais Pedro Mascarenhas est devenu le premier Européen à découvrir l'île de Diego Garcia.
La même année, Pedro Mascarenhas a également découvert l'île Maurice. À mesure que d'autres îles de l'archipel étaient cartographiées, les navigateurs portugais ont nommé l'ensemble "Bassas de Chagas" (indiqué en haut à droite de la carte).
Les Français ont été les premiers à revendiquer l'archipel des Chagos après s'être installés sur l'île Bourbon (aujourd'hui La Réunion) en 1665 et sur l'isle de France (aujourd'hui l'île Maurice) en 1715.
Le traité de Paris, signé le 30 mai 1814, a marqué la fin de la guerre entre la France et la Sixième Coalition, dans le cadre des guerres napoléoniennes. Avec la défaite de Napoléon, l'armistice, cosigné par Charles, comte d'Artois (sur la photo), et les alliés, a entraîné la cession des îles Chagos à la Grande-Bretagne. L'archipel a alors été administré depuis l'île Maurice, qui était également devenue une colonie britannique.
L'archipel des Chagos a été peuplé dès les années 1700 par un groupe ethnique indo-africain, les Chagossiens, amenés d'Afrique et d'Inde en tant qu'esclaves par les Français. Ils travaillaient dans les plantations de cocotiers implantées sur de nombreux atolls et îles isolées. Après 1840, les Chagossiens ont été affranchis. Avec le temps, ils ont développé une culture spécifique entre les différentes îles, appelée ilois, un terme créole signifiant "insulaires".
En 1965, le Royaume-Uni a acheté l'ensemble de l'archipel des Chagos à la colonie autonome de Maurice afin de créer le Territoire britannique de l'océan Indien. L'objectif était de fermer les plantations et de fournir aux États-Unis une base stratégique pour mener leurs opérations militaires dans la région.
Entre 1967 et 1973, les Chagossiens ont été expulsés de force de leurs îles pour permettre la création sur Diego Garcia d'une base de soutien naval conjointe entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Durant cette même période, en 1968, Maurice obtenait son indépendance du Royaume-Uni.
Les Ilois expulsés ont été relogés à Maurice (photo) et aux Seychelles, où ils ont dû faire face à des discriminations raciales et des conditions de vie déplorables.
La construction de la base hautement secrète sur Diego Garcia a débuté en mars 1971, avec l'intervention des Seabees (bataillons de construction de la marine américaine) qui ont aménagé une piste provisoire pour soutenir les infrastructures de communication.
À l'origine, Diego Garcia était conçue comme une simple station de communication sur un atoll isolé. Cependant, les événements mondiaux de 1979 et 1980 ont poussé Washington à revoir ses plans. Le Congrès a alors autorisé l'extension des infrastructures pour accueillir une importante flotte et une base de soutien pour les forces armées américaines.
Les travaux sur la base ont été achevés en 1983. En signe de son engagement en faveur de la sécurité dans la région indo-pacifique, l'armée de l'air américaine maintient en permanence une escadrille de bombardiers B-1 Lancer et B-52H Stratofortress stationnée à Diego Garcia.
Les bombardiers furtifs B-2 Spirit de l'US Air Force sont également déployés sur l'île. La base possède des infrastructures permettant d'héberger plusieurs milliers de militaires américains.
Bien que le Royaume-Uni s'apprête à transférer la souveraineté de l'archipel des Chagos à Maurice, l'accord stipule que la base restera sous juridiction britannique et américaine pour au moins les 99 prochaines années.
Dans un communiqué conjoint, le gouvernement britannique a déclaré que le traité permettra également de "réparer les torts du passé et de démontrer l'engagement des deux parties à soutenir le bien-être des Chagossiens."
Le gouvernement mauricien a précisé dans le communiqué qu'il est désormais "libre de lancer un programme de réinstallation" sur les îles, à l'exception de Diego Garcia. Jusqu'à présent, les groupes d'insulaires évacués contre leur gré il y a près de 60 ans, ainsi que leurs descendants, n'avaient été autorisés à revenir aux Chagos que dans le cadre de visites organisées.
Donnant suite à cette annonce, Human Rights Watch a qualifié le déplacement forcé des Ilois de "crime colonial effroyable" et de crime contre l'humanité.
L'archipel des Chagos est vaste et s'inscrit au sein de la zone de protection marine des Chagos, l'une des plus grandes aires marines protégées au monde.
Au cœur de l'archipel se trouve le Banc Great Chagos, la plus grande structure d'atoll au monde, s'étendant sur une superficie totale de 12 642 km². Danger Island (sur la photo) a été reconnue par BirdLife International comme une zone importante pour la conservation des oiseaux.
De même, Eagle Islands constitue une zone protégée abritant une importante population d'oiseaux nicheurs. Il est interdit d'y accoster ou d'ancrer un bateau à proximité.
Environ 500 Chagossiens ont été chassés des îles Salomon par les Britanniques lors de l'expulsion des Ilois. Aujourd'hui, une épaisse jungle a envahi les plus grandes îles de l'atoll, notamment l'Île Boddam, où l'ancien village principal est désormais dissimulé sous un épais couvert végétal.
L'écosystème marin intact de l'archipel des Chagos abrite des récifs coralliens d'une richesse et d'une diversité exceptionnelles. Les biologistes marins le qualifient de "laboratoire naturel", un environnement complexe où près de 200 espèces de coraux peuvent être observées et étudiées.
La faune aquatique de la région est tout aussi diversifiée, avec au moins 784 espèces de poissons répertoriées. Une politique stricte d'interdiction de la pêche a permis à des espèces pélagiques souvent surpêchées ailleurs, comme le thon jaune, de prospérer dans ces eaux.
Diego Garcia offre un habitat idéal pour l'alimentation et la nidification de la tortue imbriquée (en photo), classée en danger critique d'extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La tortue verte, également menacée, trouve aussi refuge sur l'île.
Le crabe de cocotier, le plus grand arthropode terrestre au monde, prospère en grand nombre dans la zone de conservation de Diego Garcia.
L'archipel abrite une incroyable diversité aviaire, comprenant notamment des oiseaux marins nicheurs comme la sterne fuligineuse.
L'élégant puffin fouquet s'y reproduit également en grand nombre.
Parmi les autres oiseaux dans le ciel, on peut compter ceux de l'US Air Force, dont la présence est garantie pour les 99 prochaines années. Pendant tout ce temps, Diego Garcia restera aussi mystérieuse et interdite d'accès qu'elle l'a toujours été.
Sources: (BBC) (The Guardian) (Human Rights Watch) (IUCN)
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LIFESTYLE Diego garcia
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